Robert de Saint-Loup est l'un des membres les plus attachants de la tribu Guermantes dans Á la recherche du temps perdu. Il a tout pour lui : un nom splendide, une grande fortune, une beauté digne d'Athènes, une élégance légendaire, avec les plus exquises qualités de coeur. On ne s'étonne pas que Marcel ait passionnément désiré jouir de son amitié, à laquelle il devra des moments rares. Pourtant, cet être solaire, qui semble si simple, révélera peu à peu des zones plus secrètes : sous ses tendresses et son sourire, des complexes dont il essaie d'inverser le signe en jouant des rôles qui ne sont pas les siens ; des limites intellectuelles qu'il ne parviendra pas à dépasser ; des amours difficiles, qui feront assumer sur le tard à ce bourreau des femmes de tout autres penchants. Sa mort héroïque au front triomphera de ces tensions en rendant à son être son unité et à son visage son rayonnement définitif. Avec Saint-Loup, Proust a rêvé une figure dont, au fil de la vie, l'incomparable charisme peu à peu se nuance et se creuse d'ombres, pour plus d'humanité, sans jamais perdre un chic sans pareil et, malgré ses faiblesses, un irrésistible pouvoir de séduction. L'auteur a choisi d'en parler comme d'un homme qu'on aurait eu le privilège de connaître et d'aimer.
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