Les filles du bord de mer…
Japon, fin des années 1960. Nagisa, jeune citadine tokyoïte aux manières
policées et pudiques, débarque avec son paquetage sur Hegura, petite
île de pêcheurs reculée. Là, elle est adoptée par Isoé, la cheffe de la
communauté des « Ama » qui gouverne l’île. Les Ama, ces « femmes de la
mer » brutes, fortes et sauvages qui plongent en apnée, nues, pour
pêcher des coquillages…
Choc intime et culturel, ce mode de vie rural et indépendant est
progressivement investi par la timide Nagisa, qui fuit son passé.
Au Japon, la disparition des "femmes de la mer"
Les "ama", ces plongeuses en apnée, sont menacées. Elles ne sont plus que 2 100 à travers tout le pays, contre 70 000 dans les années 1950.
Çà et là sur la mer étale, des bouées surmontées d'un petit drapeau orange indiquent l'endroit où elles ont plongé. Elles émergent les unes après les autres, la tête enveloppée d'un linge blanc, un masque de plongée sur le visage. Dans l'une de leurs mains gantées, elles tiennent un ormeau ou un oursin qu'elles placent dans un filet accroché à la bouée. Dans l'autre, un couteau. Elles reprennent leur respiration et replongent. Une paire de palmes noires surgit vers le ciel. Elles réapparaissent cinquante secondes plus tard.
La magnifique côte orientale de la péninsule de Kii (au sud d'Honshu), dentelée et couronnée de pins, se situe à environ un kilomètre. Ces plongeuses sont des ama ("femmes de la mer"), capables de descendre en apnée jusqu'à une dizaine de mètres de profondeur.
Rien n'a vraiment changé dans cette pêche aux coquillages déjà mentionnée dans l'anthologie poétique Manyoshu (VIIIe siècle). Autrefois, les ama plongeaient à moitié nues. Puis, elles se sont vêtues de tenues en coton blanc ; depuis les années 1960, elles portent des combinaisons en caoutchouc avec au-dessus, une sorte de vareuse bleu ciel. "Quand j'étais jeune, je plongeais jusqu'à 80 fois de suite", confie Matsumi Koiso, forte femme de 76 ans, au visage buriné par les éléments. Elle a commencé à 18 ans. "En mer, mes jambes marchent bien et tant que j'aurai les poumons assez solides, je continuerai", assure-t-elle, en se relevant péniblement des tatamis.
Les ama vieillissent et leur tradition risque de disparaître : elles étaient 70 000 à la fin des années 1950 ; elles ne sont plus que 2 100 à travers tout le Japon, dont près de la moitié dans les deux localités de Toba et de Shima, sur la péninsule de Kii. La région était célèbre autrefois pour ses plongeuses qui travaillaient pour le "roi de la perle" Kokichi Mikimoto. Les pêcheuses de perles ne représentent plus qu'une attraction touristique, mais celles des ormeaux et autres coquillages continuent leur pratique ancestrale.
Depuis 2007, un mouvement s'est constitué, à l'initiative du directeur du Musée de la mer de Toba, Yoshihata Ishihara, pour inscrire conjointement au Patrimoine mondial de l'Unesco la tradition des ama du Japon et des plongeuses de l'île de Jeju, au sud de la péninsule coréenne. Ces dernières, appelées haenyo, pratiquent la même méthode de pêche, très liée dans leur cas aux rites chamanistes. Elles aussi sont menacées.
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