L'Allemagne d'Angela Merkel a les moyens d'accueillir des migrants - dont son économie a besoin...
Et oui, Guillaume ! Quel retournement de situation ! La même Angela Merkel, qui était vouée aux gémonies pour sa dureté de cœur dans la gestion de la crise grecque, se trouve soudain vantée pour sa générosité dans l’accueil des migrants !
Ce n’est plus la Chancelière de Fer, c’est mère Thérésa. Nous parle-t-on bien de la même personne ?
L’Allemagne se prépare à accueillir à elle seule 800 000 demandeurs d’asile au cours de cette seule année 2015 . Soit, selon le directeur du European Policy Studies de Bruxelles, Daniel Gros, 40 % des migrants attendus en Europe. Dans les années 2000, l’UE recevait environ 200 000 demandeurs d’asile par an. Leur nombre a dépassé 400 000 en 2013, 600 000 en 2014. Notre Union est la région du monde la plus ouverte à ceux qui fuient les guerres et les persécutions. Nous dépeindre comme la « forteresse Europe » tenter de nous culpabiliser au motif que certaines embarcations surchargées ne parviennent pas jusqu’aux navires européens venus les secourir, est donc profondément injuste.
L’Allemagne va dispenser les pays de première ligne de l’examen des demandes d’asile, comme le leur imposait le Règlement de Dublin. Les réfugiés en provenance de Syrie et d’autres pays en guerre continueront à se voir accorder automatiquement le droit d’asile, selon les règles internationales en vigueur. Mais parmi ces migrants, se sont glissés nombre d’immigrés économiques , provenant en particulier des Balkans. Des pays comme la Serbie, l’Albanie, le Kosovo ou la Macédoine sont effectivement très pauvres, mais leurs ressortissants ne peuvent prétendre au droit d’asile.
Ils ne seront pas systématiquement refoulés pour autant. C’est que l’Allemagne réagit avec pragmatisme. Sa démographie, contrairement à la nôtre, n’assure pas le renouvellement des générations : 1,44 enfants par femmes chez eux, contre 2,08 chez nous.
Son économie, pourtant prospère, manquait de 391 000 travailleurs en juillet 2010. En juillet 2015, ce sont 589 000 bras qui lui font défaut. Le patronat allemand, qui se félicite de l’arrivée de centaines de milliers de salariés venus des pays sud-européens en crise, s’attend à un prochain tarissement de cette source de main-d’œuvre. Il pousse donc à l’ouverture. A partir de 2025, le vieillissement du pays risque de commencer à poser de sérieux problèmes.
Qu’on cesse aussi d’opposer notre conception « vertueuse » de la nation, civique, à la Renan à celle des Allemands, qui seraient culturelle, voire ethnique, à la Fichte ! Pour faire face à cet afflux d’immigrés, qui devrait, cette année, dépasser le nombre de bébés nés au pays (aux alentours de 700 000), le gouvernement Merkel se dote de moyens financiers exceptionnels : un crédit de 6 milliards d’euros a été débloqué, dont la moitié seront attribués aux Länder et aux communes, afin qu’elles puissent participer à un effort colossal : 300 000 logements devront être construits en urgence. L’économie allemande est suffisamment puissante pour autoriser un tel investissement : 6 milliards, c’est le niveau de l’excédent budgétaire allemand...
L’Allemagne, à son habitude, a fait preuve de pragmatisme. Son gouvernement de coalition, dans lequel droite et gauche partagent les responsabilités, empêche les surenchères idéologiques . Notre classe politico-médiatique, à rebours, se perd dans les démagogies concurrentes - celles qui clament que l’Europe a les moyens d’accueillir toute la misère du monde et celles qui imaginent qu’on peut s’enfermer derrière des remparts infranchissables et décliner en vase clos - mais entre soi.
Plus que jamais, c’est l’Allemagne qui apparaît comme l’inspiratrice éclairée des politiques européennes. Le nouveau crédit que lui vaudra sa gestion de la crise des migrants va lui servir à proposer et à imposer une prochaine réforme du fonctionnement de la zone euro.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire