"Faire de la vie" est une expression zolienne aussi fréquente qu'intringante : qu'est-ce qu'une telle "vie" qui est susceptible d'être "faite" (en un sens qui n'est pas encore celui de la fécondation in vitro ou du clonage), qui accepte d'être désignée ainsi au partitif et n'est manifestement ni (seulement) celle du vivant individuel, ni (seulement) celle de l'existence consciente ? Une pensée de la vie est là, et, révélant sa consistance et sa variété à travers les romans zoliens qui lui sont consacrés, elle aboutit finalement, chez le Zola de l'engagement dreyfusard, devenu proche du socialisme, à une pensée du travail. C'est dans cette pensée de la vie, dans cette pensée du travail et dans leur articulation que le présent ouvrage entend faire apparaître une authentique "philosophie d'Emile Zola".
La philosophie d'Emile Zola
Dépoussiérer Zola, sa philosophie, ses engagements, sa pensée de la vie, c'est ce qu'Arnaud François propose dans son livre "La Philosophie d'Emile Zola, Faire de la Vie" paru aux PUF
"Zola était Zola, c’est-à-dire un artiste un peu massif, mais doué de puissants poumons et de gros poings." disait Huysmans de cet écrivain talentueux injustement mis de côté.
Le travail est la vie elle-même, la vie est un continuel travail des forces chimiques et mécaniques. Depuis le premier atome qui s’est mis en branle pour s’unir aux atomes voisins, la grande besogne créatrice n’a point cessé, et cette création qui continue, qui continuera toujours, est comme la tache même de l’éternité́, l’œuvre universelle à laquelle nous venons tous apporter notre pierre. L’univers n’est-il pas un immense atelier où l’on ne chôme jamais, où les infiniment petits font chaque jour un labeur géant, où la matière agit, fabrique, enfante sans relâche, depuis les simples ferments jusqu’aux créatures les plus parfaites ? Les champs qui se couvrent de moissons travaillent, les forêts dans leur poussée lente travaillent, les fleuves ruisselant le long des vallées travaillent, les mers roulant leurs flots d’un continent à un autre travaillent, les mondes emportés par le rythme de la gravitation au travers de l’infini travaillent. Il n’est pas un être, pas une chose qui puisse s’immobiliser dans l’oisiveté́, tout se trouve entrainé, mis à l’ouvrage, forcé de faire sa part de l’œuvre commune. Quiconque ne travaille pas disparait par là même, est rejeté́ comme inutile et gênant, doit céder la place au travailleur nécessaire, indispensable. Telle est l’unique loi de la vie, qui n’est en somme que la matière en travail, une force en perpétuelle activité́, le dieu de toutes les religions, pour l’œuvre finale du bonheur dont nous portons en nous l’impérieux besoin.
Emile Zola, Travail in Les Quatre Évangiles, p.353
Lecture
Emile Zola, Le docteur Pascal, 1893, Les Rougon-Macquart, (Gallimard/Pléiade V), p.1005-1006
Extraits
Pot-Bouille , film de Julien Duvivier (1957)
Germinal, film de Claude Berri (1993)
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