En
1863, Victorine Meurent, modèle préféré de Manet dans les années 1860,
pose pour ce nu jugé à l’époque comme le plus scandaleux des nus
féminins jamais peints. Si l’œuvre est acceptée au Salon de 1865, c’est
que le jury craint l’organisation d’un nouveau « Salon des refusés »,
comme en 1863. Mais elle fut ridiculisée et injuriée avec une rare
violence, ce qui affecta Manet, qui cherchait à s’inscrire dans la suite
des maîtres du passé.
Certains pourtant, comme Zola, surent déceler
la modernité de cette œuvre offerte à l’Etat en 1890 grâce à une
souscription publique organisée par Claude Monet.
Analyse des images
Cette
œuvre a choqué par son sujet comme par son traitement. Le sujet
s’inscrit pourtant dans la tradition du nu féminin cultivée par Titien,
Vélasquez ou Goya, entre autres, ainsi que par des peintres académiques
de l’époque de Manet. Mais tandis que ces nus-là trouvaient leur
légitimité sous un couvert mythologique, allégorique ou symbolique,
Manet peint le portrait d’une prostituée mise en scène comme telle. Le
titre lui-même explicite le sujet (Olympia était un surnom courant chez
les courtisanes de l’époque), de même que le petit chat noir à droite,
allusion érotique évidente, ou le bouquet de fleurs tendu vers le
premier plan par la servante noire. Ce bouquet, certainement envoyé par
un amant, a été ressenti à l’époque comme une suprême provocation de la
part de Manet.
Le traitement du corps a été une autre cause de scandale. En effet, si la composition s’inspire largement de La Vénus d’Urbino
de Titien, le nu en est très éloigné : ici, aucune idéalisation, peu de
modelé et un traitement en aplats fermement cernés de noir qui va à
l’encontre des principes académiques. Les couleurs froides accentuent la
dureté des aplats, mais l’équilibre des roses, des blancs et des noirs
témoigne des talents de coloriste de Manet.
Enfin, l’assurance de
cette femme, son regard droit et franc ont été ressentis comme une
provocation supplémentaire de la part de l’artiste ; d’aucuns ont cru y
voir l’influence évidente des photographies de prostituées de l’époque.
Mais ce qui a le plus frappé les meilleurs critiques du moment, ce
n’était pas le sujet – provocant, certes –, mais l’éblouissant « morceau
de peinture », par exemple dans toutes les nuances de blanc, de crème
et de rose qui s’étagent de bas en haut, du drap à la robe de la
servante. « Vous avez admirablement réussi à faire une œuvre de peintre,
de grand peintre [...] à traduire énergiquement et dans un langage
particulier les vérités de la lumière et de l’ombre, les réalités des
objets et des créatures », écrivit Zola.
Interprétation
La provocation n’était pourtant pas le but de Manet. Sa démarche était dictée par la sincérité. « J’ai fait ce que j’ai vu », écrivit-il pour se défendre. Mais Olympia est une œuvre de rupture. C’est le dernier jalon d’une tradition qui remonte à la Renaissance italienne. Elle ouvre la voie à la modernité, aux images d’une réalité contemporaine non idéalisée (dont se réclameront les impressionnistes) et elle inaugure, de Degas à Lautrec en passant par Zola (Nana), le thème artistique et littéraire de la prostituée vue sous l’angle du réalisme et non plus de la poésie d’un Dumas fils.
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