mercredi 13 avril 2011

Livre - Jean Huss - Erasme - Luther - Calvin - Aimé Richardt

 Originaire de Bohême, Jean Huss - ou Jan Hus - est le plus illustre représentant du courant réformateur né au milieu du XIVe siècle de la crise morale de l'Eglise tchèque, que le grand schisme d'Occident aggrave encore. Ordonné prêtre en 1400, doyen de la Faculté de théologie de Prague l'année suivante, confesseur de la reine et orateur officiel des synodes annuels de Bohême, il prêche la réforme de l'Eglise et oppose à la richesse corruptrice la pauvreté évangélique.
L'Evangile, qu'il fait traduire en tchèque, est, selon lui, la seule règle infaillible et suffisante de la foi, et tout homme a le droit de l'étudier librement, indépendamment de la tradition et de l'autorité de l'Eglise, telle qu'elle s'exprime dans les Pères, les conciles et le pape. C'était la porte ouverte au "libre examen". Condamné et excommunié en 1411, il est jugé au cours d'un procès qui l'emmènera sur le bûcher en 1415.
Au-delà des violences de part et d'autres, la question soulevée était bien décisive et l'influence de Jean Huss fut immense sur certains théologiens du siècle suivant, et en tout premier lieu, sur Martin Luther. C'est à juste titre que le protestantisme voit en lui un précurseur direct. 

Dans des pages destinées à un large public, voici l'étonnante personnalité du philosophe de Rotterdam, éminent représentant du mouvement humaniste chrétien qui se développa à la charnière des XIVe et XVe siècles. Alors que l'Europe est en feu, l'homme est curieux de tout et toujours prêt à prendre la plume: intellectuel ouvert aux idées nouvelles, moine qui souffre de voir son Eglise dans un état exigeant d'urgentes réformes - L'Eloge de la folie lui permet, avec habileté, de "dire leur fait aux papes, prêtres, théologiens, moines, princes, et autres puissants..." sans se dévoiler --- ; pacifiste qui se demande où s'arrêteront les Turcs parvenus aux portes de Vienne ; philosophe qui croit aux valeurs de l'homme et de la liberté ; Européens qui, par ses voyages de Rotterdam à Paris, de Londres à Fribourg en passant par l'Italie, appelle la chrétienté déchirée à la concorde... Surtout, le plus fondamental à ses yeux est la réflexion sur les rapports entre la raison et la foi : la liberté humaine tient-elle une place dans l'acte de foi ? Et si oui, que devient la grâce de Dieu "? Ses débats avec Luther vinrent enrichir une question de fond qui a tant marqué les théologiens et l'Eglise de saint Augustin au concile Vatican II, et qui réapparaît sans cesse aujourd'hui. Avec bonheur, l'auteur nous peint la richesse et les multiples facettes d'un homme étonnament moderne.
A l'heure où l'Europe se voit proposer en guise d'unité une uniformisation technocratique reniant toute racine chrétienne, on aurait tort de passer sous silence l'influence de Luther dans les grands débats d'idées qui ont secoué notre continent depuis la fin du Moyen Age.


Luther se pose nettement en réaction contre l'ordre que le Moyen Age appelait la Chrétienté, qui n'était pas seulement une société où la vie était rythmée par les heures de prière et les fêtes religieuses, mais beaucoup plus une société soumise à l'ordre naturel que l'on savait établi par Dieu le Créateur. Tout était hiérarchisé et concourait à empêcher l'individu de se prendre pour le centre du monde.
Des failles apparaissaient bien sûr dans ce bel ordre, des volontés de puissance féodales ou royales s'entre-déchiraient trop souvent, mais le principe chrétien incarné par l'Eglise s'imposait à tous et les couronnes chrétiennes étaient comme fédérées sous la tiare.
Dès le XIV siècle, des théologiens se mirent à penser que l'homme était à l'étroit dans cet ordre de choses et tentèrent de fonder le droit sur la libre volonté des individus, chacun étant directement relié à Dieu. De grands désordres religieux, intellectuels, économiques et politiques s'ensuivirent dans le déchaînement des hégémonismes provoqués par la guerre de Cent Ans.
Cette impatience à se dégager de l'autorité, de la hiérarchie, de la tradition se manifesta particulièrement pendant la Renaissance et c'est dans ce contexte qu'apparut Luther, moine augustin de Wittenberg. La séparation de l'homme et de Dieu jusque dans le sein de la religion est assurément le grand "exploit" de Luther. Nul encore n'avait osé émanciper à ce point la raison humaine. Les grandes questions soulevées par lui (la grâce, les œuvres, la liturgie, la confession...) ne se comprennent que reliées à cette volonté de changer l'Eglise dans son essence.
Cette proclamation de la souveraineté de la raison individuelle eut évidemment des répercussions politiques. Jacques Maritain, qui n'était pas tendre avec Luther, a écrit que "Luther est à la source du volontarisme moderne. 


" Il n'est jamais facile de rendre compte de la vie et de l'oeuvre de quelqu'un, à des siècles de distance, lorsqu'on s'adresse à un public non spécialisé.
Ayant une bonne connaissance du contexte de l'époque, Aimé Richardt n'a pas eu de problème à cet égard : il a parsemé son propos de nombreuses citations de Calvin lui-même. Sa perspective n'est pas de présenter un visage sympathique ou non de Calvin, il s'en tient d'abord à l'essentiel, qui se résume pour le réformateur dans la " justification par la foi seule ". Elle transpirait déjà dans le discours rédigé par le jeune Calvin et prononcé par le recteur de l'Université de Paris en 1533.
On la retrouve bien affirmée dans ses prédications à Strasbourg, à Genève et surtout dans son principal ouvrage, l'Institution chrétienne auquel il travailla sans cesse et dont il publia trois versions. Tout Calvin est dans cet ouvrage et l'auteur en expose bien les principes fondamentaux qui gouvernent toute une vie. Promu gouverneur de Genève, Calvin y régna en maître : luttes politiques avec les libertins, difficultés pour faire appliquer ses " ordonnances ecclésiastiques ", procès, excommunications et exécutions de Gruet et Michel Servet...
La froide rigueur dans ces " affaires " ne doit pas faire oublier le prédicateur de l'Evangile qu'il voulut toujours être. Il affirma dans son testament avoir " tâché, selon la mesure de grâce que (Dieu lui) avait donnée, d'enseigner purement sa Parole... (et) d'exposer fidèlement l'Ecriture sainte... " Mais pour lui, la gouvernance de Genève ne pouvait se réaliser qu'en conformité avec une morale chrétienne rigoureuse telle qu'il la concevait.
Ainsi fut-il, selon Aimé Richardt, " à sa manière, un prophète, aussi un savant théologien, un administrateur d'une redoutable efficacité " ajoutant qu'" il manqua toujours d'amour et de charité ", ce qui rejoint, en négatif, la pensée de PierreJourda : " Il mit l'accent sur la foi plus que sur l'espérance et l'amour. "Mgr Huot-Pleuroux.


Aimé Richardt, né en 1934 à Remiremont, vit sa retraite en Haute Saône dans un petit village proche de Dampierre les Conflans, en rédigeant des ouvrages historiques.
Aimé Richardt est l'auteur de nombreux ouvrages à succès comme « La Vérité sur l'affaire Galilée » (2007), Luther (2008), Érasme (2010), et Calvin (2010), publiés aux Éditions François-Xavier de Guibert.
Son ouvrage sur Fénelon, paru en 1993 aux éditions In fine, a obtenu le Grand Prix d'Histoire de l'Académie Française.

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