Originaire de Bohême, Jean Huss - ou Jan Hus - est le plus illustre
représentant du courant réformateur né au milieu du XIVe siècle de la
crise morale de l'Eglise tchèque, que le grand schisme d'Occident
aggrave encore. Ordonné prêtre en 1400, doyen de la Faculté de théologie
de Prague l'année suivante, confesseur de la reine et orateur officiel
des synodes annuels de Bohême, il prêche la réforme de l'Eglise et
oppose à la richesse corruptrice la pauvreté évangélique.
L'Evangile, qu'il fait traduire en tchèque, est, selon lui, la seule
règle infaillible et suffisante de la foi, et tout homme a le droit de
l'étudier librement, indépendamment de la tradition et de l'autorité de
l'Eglise, telle qu'elle s'exprime dans les Pères, les conciles et le
pape. C'était la porte ouverte au "libre examen". Condamné et excommunié
en 1411, il est jugé au cours d'un procès qui l'emmènera sur le bûcher
en 1415.
Au-delà des violences de part et d'autres, la question soulevée était
bien décisive et l'influence de Jean Huss fut immense sur certains
théologiens du siècle suivant, et en tout premier lieu, sur Martin
Luther. C'est à juste titre que le protestantisme voit en lui un
précurseur direct. Dans des pages destinées à un large public, voici l'étonnante
personnalité du philosophe de Rotterdam, éminent représentant du
mouvement humaniste chrétien qui se développa à la charnière des XIVe et
XVe siècles. Alors que l'Europe est en feu, l'homme est curieux de tout
et toujours prêt à prendre la plume: intellectuel ouvert aux idées
nouvelles, moine qui souffre de voir son Eglise dans un état exigeant
d'urgentes réformes - L'Eloge de la folie lui permet, avec habileté, de
"dire leur fait aux papes, prêtres, théologiens, moines, princes, et
autres puissants..." sans se dévoiler --- ; pacifiste qui se demande où
s'arrêteront les Turcs parvenus aux portes de Vienne ; philosophe qui
croit aux valeurs de l'homme et de la liberté ; Européens qui, par ses
voyages de Rotterdam à Paris, de Londres à Fribourg en passant par
l'Italie, appelle la chrétienté déchirée à la concorde... Surtout, le
plus fondamental à ses yeux est la réflexion sur les rapports entre la
raison et la foi : la liberté humaine tient-elle une place dans l'acte
de foi ? Et si oui, que devient la grâce de Dieu "? Ses débats avec
Luther vinrent enrichir une question de fond qui a tant marqué les
théologiens et l'Eglise de saint Augustin au concile Vatican II, et qui
réapparaît sans cesse aujourd'hui. Avec bonheur, l'auteur nous peint la
richesse et les multiples facettes d'un homme étonnament moderne.
A l'heure où l'Europe se voit proposer en guise d'unité une
uniformisation technocratique reniant toute racine chrétienne, on aurait
tort de passer sous silence l'influence de Luther dans les grands
débats d'idées qui ont secoué notre continent depuis la fin du Moyen
Age.
Luther se pose nettement en réaction contre l'ordre que le Moyen Age
appelait la Chrétienté, qui n'était pas seulement une société où la vie
était rythmée par les heures de prière et les fêtes religieuses, mais
beaucoup plus une société soumise à l'ordre naturel que l'on savait
établi par Dieu le Créateur. Tout était hiérarchisé et concourait à
empêcher l'individu de se prendre pour le centre du monde.
Des failles apparaissaient bien sûr dans ce bel ordre, des volontés de
puissance féodales ou royales s'entre-déchiraient trop souvent, mais le
principe chrétien incarné par l'Eglise s'imposait à tous et les
couronnes chrétiennes étaient comme fédérées sous la tiare.
Dès le XIV siècle, des théologiens se mirent à penser que l'homme était à
l'étroit dans cet ordre de choses et tentèrent de fonder le droit sur
la libre volonté des individus, chacun étant directement relié à Dieu.
De grands désordres religieux, intellectuels, économiques et politiques
s'ensuivirent dans le déchaînement des hégémonismes provoqués par la
guerre de Cent Ans.
Cette impatience à se dégager de l'autorité, de la hiérarchie, de la
tradition se manifesta particulièrement pendant la Renaissance et c'est
dans ce contexte qu'apparut Luther, moine augustin de Wittenberg. La
séparation de l'homme et de Dieu jusque dans le sein de la religion est
assurément le grand "exploit" de Luther. Nul encore n'avait osé
émanciper à ce point la raison humaine. Les grandes questions soulevées
par lui (la grâce, les œuvres, la liturgie, la confession...) ne se
comprennent que reliées à cette volonté de changer l'Eglise dans son
essence.
Cette proclamation de la souveraineté de la raison individuelle eut
évidemment des répercussions politiques. Jacques Maritain, qui n'était
pas tendre avec Luther, a écrit que "Luther est à la source du
volontarisme moderne.
" Il n'est jamais facile de rendre compte de la vie et de l'oeuvre de
quelqu'un, à des siècles de distance, lorsqu'on s'adresse à un public
non spécialisé.
Ayant une bonne connaissance du contexte de l'époque, Aimé Richardt n'a
pas eu de problème à cet égard : il a parsemé son propos de nombreuses
citations de Calvin lui-même. Sa perspective n'est pas de présenter un
visage sympathique ou non de Calvin, il s'en tient d'abord à
l'essentiel, qui se résume pour le réformateur dans la " justification
par la foi seule ". Elle transpirait déjà dans le discours rédigé par le
jeune Calvin et prononcé par le recteur de l'Université de Paris en
1533.
On la retrouve bien affirmée dans ses prédications à Strasbourg, à
Genève et surtout dans son principal ouvrage, l'Institution chrétienne
auquel il travailla sans cesse et dont il publia trois versions. Tout
Calvin est dans cet ouvrage et l'auteur en expose bien les principes
fondamentaux qui gouvernent toute une vie. Promu gouverneur de Genève,
Calvin y régna en maître : luttes politiques avec les libertins,
difficultés pour faire appliquer ses " ordonnances ecclésiastiques ",
procès, excommunications et exécutions de Gruet et Michel Servet...
La froide rigueur dans ces " affaires " ne doit pas faire oublier le
prédicateur de l'Evangile qu'il voulut toujours être. Il affirma dans
son testament avoir " tâché, selon la mesure de grâce que (Dieu lui)
avait donnée, d'enseigner purement sa Parole... (et) d'exposer
fidèlement l'Ecriture sainte... " Mais pour lui, la gouvernance de
Genève ne pouvait se réaliser qu'en conformité avec une morale
chrétienne rigoureuse telle qu'il la concevait.
Ainsi fut-il, selon Aimé Richardt, " à sa manière, un prophète, aussi un
savant théologien, un administrateur d'une redoutable efficacité "
ajoutant qu'" il manqua toujours d'amour et de charité ", ce qui
rejoint, en négatif, la pensée de PierreJourda : " Il mit l'accent sur
la foi plus que sur l'espérance et l'amour. "Mgr Huot-Pleuroux.
Aimé Richardt, né en 1934 à Remiremont, vit sa retraite en Haute Saône
dans un petit village proche de Dampierre les Conflans, en rédigeant des
ouvrages historiques.
Aimé Richardt est l'auteur de nombreux ouvrages à succès comme « La
Vérité sur l'affaire Galilée » (2007), Luther (2008), Érasme (2010), et
Calvin (2010), publiés aux Éditions François-Xavier de Guibert.
Son ouvrage sur Fénelon, paru en 1993 aux éditions In fine, a obtenu le Grand Prix d'Histoire de l'Académie Française.
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