La foi réformée
En 1530 et 1531, Zwingli, pasteur à Zurich, rédige deux textes, courts et incisifs, pour présenter ses convictions et orientations. Le premier, Fidei ratio, est dédicacé à l’Empereur Charles Quint, le deuxième, Expositio Fidei, au roi François 1er. Sans concession diplomatique ni « langue de bois », Zwingli s’adresse aux deux souverains les plus puissants du monde d’alors. Dans ces deux textes, on trouve l’essentiel de sa pensée et de celle des premiers réformés. En 2000, les éditions « Les Bergers et les Mages » (devenues éditions Olivétan) les ont rendu accessibles à tous en les publiant dans un petit livre (moins de cent pages), que j’ai préfacé et intitulé La foi réformée. Ce n’est pas une édition savante (même si elle a été établie avec beaucoup de soin) ; on a voulu avant tout qu’elle soit facilement lisible par des lecteurs contemporains.
Zwingli y affirme fortement que Dieu a le monopole du saint et du sacré. En dehors de Dieu, il n’existe que du profane qui, certes, a de la valeur, mais une valeur relative et limitée. On ne doit donc sanctifier ou sacraliser ni des lieux (des sanctuaires) ni des objets (des reliques ou le pain et le vin des sacrements) ni des personnages (les dirigeants de l’Église, ou les « saints » du catholicisme romain). Prêtre, pendant quelques années, dans un pèlerinage, puis curé de paroisse, Zwingli avait fortement conscience que la superstition religieuse menace la piété la plus vive et la plus sincère. Il souligne sans cesse qu’on ne doit rendre de culte qu’à Dieu. Les réformés hériteront de ce rejet radical de l’idolâtrie : ce qui témoigne de Dieu n’est pas divin et ne doit pas être adoré ni vénéré.
Ces deux écrits développent une conception originale des sacrements. Catholiques et luthériens discutent de la manière dont le Christ se trouve dans l’eucharistie ou la Cène. Pour Zwingli, le Christ est présent dans ma vie par l’action du Saint Esprit, et non par une cérémonie ni dans des éléments matériels. Ma communion avec le Christ est intérieure ; elle ne dépend pas d’un rite. Je ne prends pas le pain et le vin de la Cène parce qu’ils véhiculeraient le Christ jusqu’à moi, mais parce que, bien avant la cérémonie, le Christ est déjà présent et agissant en moi. Le sacrement me sert à exprimer ce que je vis intérieurement ; il est un témoignage qui dit à tous ce que le Christ représente pour moi. Je communie surtout pour les autres, pour rendre l’église visible, pour que ma foi ne reste pas secrète et privée.
Il y aurait bien d’autres idées intéressantes à relever. Ainsi, Zwingli ne condamne pas les païens à l’enfer et à la perdition ; il estime que les meilleurs auront accès au paradis (ce qui a provoqué la colère de Luther, beaucoup plus étroit et exclusif). Il compare le « péché originel » à une maladie dont le Christ nous guérit, beaucoup plus qu’à une faute ou un crime héréditaire qu’il devrait expier. Et surtout, en lisant ces pages, on sent que Zwingli est porté par quelque chose qui le dépasse et l’émerveille : la puissance de l’évangile. Il parle avec enthousiasme et assurance du salut qui nous est donné en Jésus Christ. Ce salut vient de Dieu, il n’est pas notre œuvre ; rien ne saurait donc nous l’enlever et le mettre en cause. Le message évangélique libère de toute crainte et remplit de joie.
Au même titre que le livre de Castellion dont nous avons parlé dans un précédent article, ces deux écrits de Zwingli devraient figurer dans toute bibliothèque protestante. Plus que les grandes confessions (celle de La Rochelle ou l’Helvétique postérieure) auxquelles on se réfère toujours, ils expriment la foi réformée. Ils en proposent, dès l’origine, une formulation nette et réfléchie. Ils ont beaucoup à nous apporter, même s’ils datent d’une autre époque et si nous ne nous reconnaissons pas dans tout ce qu’ils disent.
André Gounelle
Évangile et Liberté, février 2008
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